La téléphonie en entreprise a considérablement évolué. L'arrivée de la VOIP bouleverse la façon de faire du téléphone. Toutefois, le marché reste très verrouillé et il n'est pas facile de s'y retrouver. Trouver les bons prestataires est un challenge. Il est d'abord intéressant d'identifier les différentes composantes d'une solution de voip. On partagera quelques expériences passées pour mettre les choses en perspective. Ceci est nécessaire pour comparer à périmètre identique les différentes technologies/fabricants du marché. Enfin, on s’intéressera aux possibilités réelles (fonctionnalités, fiabilité, ergonomie) de la voip.


Les composantes d'une installation téléphonique (ip ou classique)

Pour bien appréhender le sujet, il faut identifier les différentes briques composant une architecture téléphonique.

Il n'y a pas si longtemps, quand on passait un appel la « dame du téléphone » répondait.

Ainsi, le combiné était relié par un câble jusqu'à cette opératrice qui effectuait les branchements nécessaires sur ce fil pour atteindre le correspondant. Si la dame du téléphone a changé de boulot, l'architecture n'a pas évolué. Dans une installation téléphonique d'entreprise pour atteindre un correspondant on a toujours :

  • un combiné (ou terminal) qui se distingue par sa marque, la taille de son écran, les fonctionnalités qu'il apporte (touche muet, transfert, conférence, annuaire, interface web de configuration)
  • un câble qui relie le terminal à la centrale téléphonique: historiquement RJ11 à 6 connecteurs avec une franco français prise en T ou une prise réseau rj 45. En voip, le téléphone passe par un réseau informatique (dédié ou pas)
  • une centrale téléphonique (PABX, IPBX, Centrex,...)
  • une connexion du site vers l'opérateur : il s'agit d'acheminer les données vers l'opérateur de téléphonie.
  • Un opérateur

Avant l'ip


Précédemment en 2007~2008, j'avais participé à la mise en place d'un PABX  pour une quinzaine de postes. A cette époque, c'était une installation assez classique pour une PME française:
  • Les combinés étaient nécessairement de la marque du PBX (Alcatel dans ce cas là)
  • Le câblage en rj11
  • un PABX Alcatel (OMNIPCX): un matériel robuste qui inclut même un onduleur. Côté logiciel, pour la configuration, même pour des choses simples (attribuer un numéro et un nom différent à un combiné) c'est vraiment inabordable : La configuration se fait à travers un client lourd à installer sur un ordinateur Windows et c'est complètement contre intuitif. Si vous ne l'utilisez pas toutes les semaines ... c'est fini. Vous êtes perdu.Sur le PABX, il y a 1 prise par téléphone. Si toutes les prises sont occupées, il faut acheter des cartes d'extensions et payer pour des licences supplémentaires car on repaye une licence pour chaque combiné.
  • La connexion du site était intrinsèquement liée à l'opérateur. Toutefois, il y avait un certain cloisonnement chez Orange. Pour les PME, il y avait Orange/Transpac/ France Telecom ... et les outsiders (Bouygues, Altitude, ..).
  • Chez Orange à cette époque, le téléphone tombait plus souvent en panne que maintenant. Et on se trouvait dans des situations insolites dans lesquelles on (client) se faisait engueuler par les techniciens Transpac parce que c'etait la faute de France Telecom ou d'Orange (mais normalement c'est pas le client qui engueule le prestataire?)

Entre les 2

Il y a quelques années, un pas a été fait vers l'IP. Notamment, l'offre BIV d'Orange, qui permet de brancher un PABX sur une sdsl via une émulation de T0. Donc, la communication est en IP jusqu'au routeur modem. Bien sur, cela ne fonctionne qu'avec la sdsl de l'opérateur dans une offre packagée pas particulièrement souple.

Et Aujourd'hui...

Chaque composante a encore évolué:
  • les combinés VOIP au standard SIP sont (presque) interopérables. On peut utiliser différentes marques de téléphone pour un même autocom. En tous cas, pour les fonctionnalités courantes cela fonctionne.
  • le câblage est passé au RJ-45 et le POE (power over ehternet) est généralisé sur les téléphones. D'où de nouvelles problématiques: faut-il utiliser le POE ? faut-il un réseau dédié pour la téléphonie ? faut-il brancher les pc sur les prises uplink des téléphones?
  • Les IPBX sont maintenant de 'simples' pc avec une carte réseau (et plus de cartes d'extension avec 1 prise par téléphone)
  • la connexion reste contrainte par le choix de l'opérateur. Il n'est pas possible pour une PME de négocier la téléphonie chez orange avec une connexion de site chez SFR/Cegetel. Mais on peut choisir parmi des acteurs plus modestes. Typiquement, OVH propose la voip, la sdsl ou les 2 ensemble.
  • Côté opérateur: on a enfin un peu plus le choix avec des formules différentes d'un opérateur à l'autre (illimité, forfait, à la minute)
Un acteur a particulièrement participé à l'ouverture du marché et à son déverrouillage: Asterisk
Asterisk est un IPBX opensource créé en 1999. Donc, pour faire une centrale téléphonique il faut: un PC + Asterisk (+ le technicien qui sait installer et configurer le tout).

Expérience de migration

Dans la téléphonie d'entreprise comme dans la téléphonie mobile, le changement d'opérateur n’entraîne plus le changement du numéro. La portabilité du numéro est une procédure rodée qui fonctionne.
Il y a toutefois un côté un peu stressant dans une procédure de portabilité car il n'y a pas vraiment de rollback possible et on ne peut pas vraiment tester que cela fonctionne.
Point d'attention particulier, dans mon expérience, on s'est retrouvé avec l'ancien opérateur qui coupe bien automatiquement les lignes (procédure de portabilité) mais qui ne résilient pas le contrat de maintenance associés au même contrat et qui continue de facturer un service qu'il n'assure plus ... (C'est sur, on ne reviendra plus chez lui..)

Et les communications unifiées?

Dans le web on a eu le "web 2.0", maintenant le "cloud", autant de concepts marketing flous qui ne traduisent pas une réalité technique. Dans le monde de la téléphonie, ils ont le leur: les "communications unifiées". L'idée, c'est de rassembler les différents media de communication (téléphone fixe, téléphone mobile, vidéoconférence, mail, ..).
En l'absence de standardisation, il n'y a aucune interopérabilité à espérer en dehors de l'entreprise. Cela n’empêche pas de rendre quelques services, mais à quel prix?
Si l'idée est séduisante, on peut se demander pourquoi le téléphone devrait être l'élément fédérateur d'un tel dispositif. Aujourd'hui c'est plutôt une vitrine marketing pour des technologies propriétaires (genre: <<c'est plus cher chez nous mais c'est parce qu'on est bon car on fait des communications unifiées>>)

Les prestataires / solutions possibles

En 2014, quelle installation choisir? Tout dépend des besoins et du contexte de l'entreprise. Sur le marché on trouve:

Centrale

  • En 2014, des PABX ça se vend encore. Et ces offres ne sont pas les moins chères.
  • Radicalement à l'opposé, les offres Centrex sont à considérer. Dans ce cas, la centrale téléphonique est externalisée. L'offre centrex regroupe les services d'un opérateur et de fonctionnalité d'ipbx.
  • Proche, les offres d'IPBX hébergée se développent également. La différence avec une offre centrex, l'offre d'hébergement ne détermine pas l'opérateur de téléphonie. La valeur ajoutée d'une offre hébergée est de bénéficier d'une supervision orientée téléphonie de l'ipbx.
  • Sur les IPBX, la concurrence fait rage. On retrouve surtout les marques Siemens, Alcatel et Cisco qui vendent toutes une offre matériel + logiciel propriétaire. En général, ces offres sont commercialisées par de nombreux revendeurs. Côté Asterisk, il semble y avoir beaucoup moins de vendeurs (et souvent ils se connaissent les uns les autres).
Quel matériel pour un serveur Asterisk? Techniquement c'est un PC. ça peut être un simple boitier passif type appliance ou un boitier avec deux cartes mère en haute disponibilité, ou entre les deux un pc ou une machine virtuelle.

Combinés

Pendant longtemps, le choix de la marque du téléphone était dicté par la marque du PABX. PABX Alcatel = combinés Alcatel. Avec les IPBX c'est (un peu) moins vrai. Le standard SIP permet l'interopérabilité. Dans notre cas, nous avons mélangé et testé plusieurs marques de combiné:

Aastra 6757i : avec un large écran LCD. De base, le téléphone dispose de 6 voyants BLF (busy lamp field  = indicateur de présence). On configure les lignes qu'on observe via l'interface web de configuration du téléphone.L'interface web permet d'exporter le carnet d'adresse, mais ne permet PAS de l'importer. C'est assez dommage!

Snom 320 et 370: Les snoms bénéficient de plusieurs touches dédiées assez pratiques:

on retrouve ce que propose les Aastra micro muet, bascule combiné/haut parleur, bis. Plus: enregistrement, messagerie, transfert, conférence, mise en attente, ne pas déranger. Ces touches compensent la faible taille de l'écran du 320. L'interface web permet l'import ET l'export du carnet d'adresse. Le 370 se caractérise par un écran plus grand ... et c'est essentiellement ça.

Opérateur SIP-Trunk

Il existe beaucoup de prestataires. En France quelques contacts:

  • Ovh : le plus connu mais souffre d'une mauvaise réputation.
  • Accropolis: présenté comme la référence (mais un peu cher)
  • OpenIP : dont les intégrateurs parlent juste après Accropolis
Les offres se distinguent en fonction de différents paramètres:
- la facturation: le prix à la minute avec ou sans forfait
- le nombre d'appels simultanés: le nombre de flux simultanés peut être contractuellement limité (ou pas). Si vous avez un contrat pour 4 appels simultanés. Si 2 personnes appellent vers l'extérieur, 2 reçoivent des appels. Si une cinquième personne extérieure essaye d'appeler le bureau (ou l'inverse un interne essaye d'appeler l'extérieur) cela sera un message du type "toutes les lignes sont occupées")
- le réseau: Il est intéressant que l'opérateur téléphonique dispose d'équipements chez le fournisseur d'accès internet utilisé pour la connexion au trunk. Ceci permettant de limiter les sources de problèmes.
- la possibilité de souscrire une connexion internet dédiée chez un partenaire de l'opérateur (en lien avec le point précédent).

Les intégrateurs Asterisk

  • Eyepea: Franco-Belge. Acteur positionné sur des prestations de haut niveau (configuration logiciel) mais travail aussi avec les matériels Snom
  • Celya :en région ouest, plutôt positionné sur les matériels Yealink ou Aastra
  • Nirwana :en région parisienne, plutôt positionné sur les matériels Cisco

Il y a d'autres intervenants, C'est encore un petit monde. Ils se connaissent tous.

Quelle fiabilité ?

Asterisk, des petits opérateurs, des petits intégrateurs ... n'est-ce pas dangereux ?

Les revendeurs de solution concurrentes justifient le prix de leur solution par la fiabilité de leur solutions. Mais qu'en est-il vraiment? Après plus 1 an d'exploitation d'une solution Asterisk avec un opérateur de Sip-Trunk. Nous avons rencontrés 1 grosse panne: un équipement réseau de l'opérateur SIP-trunk chez le fournisseur d'accès internet avait rendu l’âme. La bascule vers une autre liaison a permis de contourner cette indisponibilité.

Nous avons également été concerné par les dommages collatéraux d'une attaque Anonymous. Notre opérateur faisant certainement appel à une infrastructure ou des tuyaux commun avec la chaîne de TV BeinSport qui a subi des attaques de DDOS des Anonymous. Ces attaques ont visés les sponsors de la coupe du monde 2014 de football.

Donc globalement, cela fonctionne plutôt mieux que ce que je constatais sur Orange il y a 10 ans. Au quotidien, les usagers n’exploitent qu'une infime portion des capacités des téléphones. Côté gestion interne, on se limite généralement à attribuer des numéros à des personnes avec une interface Web. Cette autonomie n'empêche pas de souscrire un contrat de maintenance avec l'intégrateur de la solution pour pouvoir appeler à l'aide en cas d'éventuels problèmes.

Le SIP pose une base de compatibilité mais le diable est dans le détail. Typiquement, provisionner les combinés pour les avoir à la bonne heure/bon fuseau et pour avoir l'affichage des menus en français, n'est finalement pas si évident...

Chaque entreprise peut potentiellement exploiter des fonctionnalités spécifiques ou la flexibilité du flux IP pour faire des installations complexes. En augmentant la complexité, on augmente les pannes possibles. Comme on s'habitue toujours très vite au confort. Ceci peut donner l'impression d'un manque de fiabilité alors que les communications téléphoniques classique continuent de fonctionner.

Les revendeurs de solution concurrentes attisent la peur de l'inconnu. Un peu comme certain JT présentait internet comme le repère de pédophile de nazie et de pirate. Pour finalement se positionner à contre-courant d'une évolution assez inéluctable. La standardisation autour de SIP est un avantage écrasant. Une réelle ouverture à la concurrence du fait de la standardisation, on est pas enchainer à la marque de la centrale téléphonique. On peut acheter des combinés d'autres marques.

Cette liste n'est pas exhaustive. Et vous? Avec qui et quelles technos avez vous travaillé?